Saviez-vous que 80% de la masse des insectes européens a disparu en 30 ans ?
En connaissez-vous la cause ?
Peut-on parler de pollution lumineuse ?
De dégradation de l’environnement ?
Et pourquoi ne voit-on plus les étoiles lorsqu’on habite en ville ?
A-t-on réellement besoin d’éclairage artificiel la nuit pour y voir clair à plus de 50 mètres ?
Est-ce que toute la faune est impactée par l’éclairage nocturne ?
Je vais répondre à l’ensemble de ces problématiques dans cet article, en me basant sur une sortie intitulée « Le jour de la nuit » en lien avec la mairie et l’association Nature et environnement de ma ville dans laquelle je suis membre, puis à l’aide d’un livret pédagogique rédigé par l’association Agir pour l’environnement.

On a vraiment commencé à parler de « pollution lumineuse » dans les années 1970, lorsque les astronomes ne pouvaient plus voir les étoiles et mener leurs recherches. En 1995 s’est réunit le 1er Congrès pour la protection du ciel nocturne et a donné naissance au Conseil National de Protection du Ciel Nocturne. Depuis les années 2000, ce sont des médecins, chercheurs scientifiques, défenseurs de l’environnement qui s’accordent sur le terme de pollution lumineuse et c’est seulement en 2013 que ce terme est utilisé par le Ministère du développement durable et de l’énergie. Aujourd’hui, c’est un fait :
1/3 de la population mondiale ne voit plus la voie Lactée.
Il n’y a pas que le ciel étoilé d’impacté, ce sont aussi des plantes, des animaux, des Hommes contraints à la puissance des nuisances lumineuses. Par exemple, chez le ver luisant, la femelle brille pour attirer le mâle au préalable de la reproduction. Que se passe-t-il si les mâles sont confrontés à des faisceaux lumineux environnants ? Je vous confirme que même en plein forêt, à l’orée des sous-bois, des entreprises sont implantées et impactent véritablement la faune nocturne de par leurs éclairages incessants. Quand avez-vous vu pour la dernière fois un ver luisant ? En balade, en forêt, en camping ou encore dans votre jardin ? Ils sont malheureusement en voie de disparition…

Il en est de même pour les insectes (notamment les papillons de nuit) qui tournoient indéfiniment autour des lampadaires en quête de nourriture. Seules les araignées sont les mieux loties en dessinant leur toile autour des points lumineux. Elles se régalent d’un flux important de moucherons, mouches, moustiques et autres insectes en tout genre ! Toutefois, on l’a bien vu, tout le reste de la biodiversité est fortement impactée. Les plantes développent une photosynthèse accrue en imaginant à tort que la lumière nocturne est une lumière diurne… Les chauve-souris modifient leur trajectoire de chasse et leur migration. Ne les avez-vous jamais aperçu au bord des fenêtres et des ponts près des halos lumineux ? Les hirondelles, par exemple, lors de leur migration, peuvent sembler perdues à cause de l’éclairage d’une ville. Mettez-vous dans la tête d’une hirondelle qui cherche à migrer vers un pays chaud et lumineux : un peu tout ce que représentent les éclairages (lumière, chaleur).
Le réseau de la chaîne alimentaire est donc fortement déréglé.

Bonne nouvelle ou presque : des mesures ont été prises ces dernières années :
- Décret du 3.07.2011 : prévention et limitation des nuisances lumineuses
- Décret du 30.01.2012 : restreint les zones et horaires d’utilisation des enseignes et publicités lumineuses
- Arrêté du 25.01.2013 : extinction des enseignes lumineuses, façades, vitrines et éclairages intérieurs émis vers l’extérieur des bâtiments non résidentiels, en fonction des horaires et activités
Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.
Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (Juillet 2016) : Article 1

Quelles sont les alternatives pour limiter cette pollution lumineuse tout en assurant la sécurité nocturne des citoyens ?
Car oui, éteindre la ville pour favoriser l’environnement c’est bien, mais demeure un débat éternel : la question de l’insécurité urbaine. Vous sentiriez-vous en sécurité si vous marchiez à 22h tout lampadaire éteint ?
Il y a une différence primordiale : les éclairages d’utilité publique (lampadaires pour la sécurité des piétons par exemple) et les éclairages à usage commercial ou décoratif (vitrines, enseignes, publicités…).
A votre avis, lequel semble-t-il plus judicieux de garder ? Sachant qu’au niveau de la sécurité routière, des études ont démontré que les conducteurs adaptent leur vitesse de conduite en fonction de la luminosité et roulent moins vite sur les routes qui ne sont pas éclairées en continu, diminuant ainsi le nombre d’accidents. Donc oui, la luminosité est un facteur important dans la sécurité des usagers.
Est-ce que vous pensez y voir à 22h, en plein automne ou hiver si les lampadaires sont éteints ?
A vrai dire, et après avoir fait le test en pleine forêt à 21h durant l’automne alors que le soleil s’était couché depuis plus d’1 heure, oui, le ciel étoilé demeure lumineux. Forcément, dans les sous-bois, la lumière est faible, on aurait tendance à allumer notre lampe torche (au détriment de la faune environnante), mais à l’orée d’une clairière, le chemin est bien visible. Sachez toutefois que nos yeux mettent 20 minutes à s’adapter à une densité lumineuse plus ou moins forte.

Aujourd’hui, déjà 12 000 communes en France pratiquent l’extinction de l’éclairage public à certaines heures de la nuit et participent ainsi à lutter contre la pollution lumineuse !
Beaucoup de grandes villes en France font l’effort de réduire (éclairages à détecteur de présence, variations d’intensité) voire d’éteindre les points lumineux dans une tranche horaire précise la nuit, par exemple entre 22h et 5h du matin. Personnellement, je trouve ça formidable pour les petites communes autour des grandes villes, cela nous fait rouler plus doucement, prudemment en voiture. Cela incite aussi à peut-être moins sortir de chez soi ou faire attention lors d’une sortie nocturne. Et puis, ne serait-ce pas pendant le confinement qu’ont été observé des animaux sauvages en plein Paris ou dans toute autre ville de France ?
Au titre de citoyen, vous pouvez tout à fait aller à la rencontre de vos élus pour leur faire part de suggestions quant à l’éclairage public, grâce à des arguments convaincants et prouvés !
Il existe aussi des événements tels que :

Les Nuits des Étoiles organisées par l’association française de l’astronomie. Manifestation gratuite, ouverte à tous, durant le mois d’août.

Le Jour de la Nuit manifestation nationale de sensibilisation à la pollution lumineuse, à la protection de la biodiversité nocturne et du ciel étoilé par plusieurs acteurs (collectivités, mairie, associations…), courant octobre.

La Nuit internationale de la chauve-souris organisée par la société française pour l’étude et la protection des mammifères : des sorties-observations, conférences, rencontres pour découvrir et s’enthousiasmer devant ces chiroptères, proposées durant tout l’été.
Toute l’année, vous pouvez aussi diminuer voire éteindre vos petites lampes du jardin pour favoriser la venue de vers luisants, hérissons et tout autre mammifère qui se plairait dans un coin de verdure. Également en parler et sensibiliser vos proches autour du sujet de la pollution lumineuse : qu’en pensent-ils ? Peut-être ont-ils la vitrine de leur boutique illuminée la nuit, connaissent-ils son impact ? Sont-ils au courant des animaux en voie de disparition ?
Il est grand temps de rallumer les étoiles.
Guillaume Apollinaire
